Le jour ou j'ai rencontré Jean Talon

C'était un samedi vers environ 11 hres du matin. J'avais du métasilicate de sodium dans les cheveux tout emmêlés dans l'élastique de mon masque. Lunettes protectrices et protecteurs d'oreilles sur la tête depuis une bonne partie de la matinée… Et j'ai décidé que c'était le temps d'aller prendre une marche dans les bois. Tout près d'un petit étang entouré d'arbres matures j'ai croisé un viel homme transportant un sachet de plastique blanc.

“Bune Sur, Coshy cobo“ je lui dis.
“Co bo“ il m'a répondu, puis quelque chose que je n'ai pas saisi. J'ai pris une chance et lui ai dit “Co bo plo”. Il a sourit.

Ayant tout épuisé mon vocabulaire Occitan je me suis présenté en français. Son nom était Jean Talon et il m'a dit qu'il savait qui j'étais et pourquoi j'étais ici. Il profitait du fait que la saison des champignons se prolonge, courtoisie du réchauffement climatique et me montra deux Boletus Edulis qu'il avait cueilli. Il m'expliqua que même de même espèce, ils pouvaient être de formes et de couleur différentes selon qu'on les trouve sous des conifères ou des feuillus.
Il m'a dit qu'il vivait à deux kilomètres près du pont qui traversait le ruisseau. Je lui ai demandé si c'était près de la maison de la dame qui préparait les repas de l'école et il m'a dit : « oui c'est ma fille! » Je lui ai demandé s'il avait un four chez lui et il m'a répondu bien sûr et qu'il avait été meunier la plus grande partie de sa vie active. Après plusieurs années de minoterie la poussière l'avait affecté alors il avait du s'arrêter et il avait commencé à habiller la pierre. La pierre a-t-il dit payait mieux que la farine. On s'est dit ''Au revoir'' et on a repris chacun notre chemin.
Le matin suivant il est venu me voir tout endimanché. Je lui ai demandé s'il revenait de la messe et il a gonflé les joues et m'a dit : non, je n'y vais pas. Moi non plus, je lui dis en lui montrant l'éponge que je tenais à la main. Il a rit. Je l'ai invité à entrer et lui ai décrit en détails ce que je faisais. Ça n'a pas eu l'air de l'étonner. Il m'a demandé si j'aimerais venir à son hameau Le Mazet pour venir voir son four et visiter son moulin.

Note: Les images suivantes ont été prises sur deux jours.



Un dimanche matin tout givré quelques secondes avant le lever du soleil à La Châtaigneraie. Le hameau Le Mazet est hors photo, dans le vallon 500m derrière le village de Lacapelle-del-Fraisse.



Le four de Jean Talon. Le four a environ 150 ans mais l'édifice a été reconstruit dans les années '50.



La toiture du four a aussi été reconstruite dans les années '50 avec les lauzes originales en même temps que l'édifice par le père de Jean. La toiture d'origine suivait plutôt les courbes de l'habillage du four avec moins d'inclinaison et de surplomb.



L' 'œil'. Cette petite ouverture traverse l'habillage et le dôme et ouvre dans la chambre de cuisson. Comme peu de gens se souviennent des détails du modus operendi de ces anciens fours, son role précis n'est pas tout-à-fait clair.



L'avaloir et l'ouverture de chargement.







La porte en fer de l'ouverture de chargement.



L'intérieur de la chambre de cuisson. On aperçoit l'oeil en partie bloqué par des fils d'araignées, au milieu du 6ième rang.











Le moulin et le four à gauche. Il y a toujours eu un moulin à eau à cet endroit pour moudre la farine. L'édifice d'origine a été rénové plusieurs fois depuis et plus récemment au début des années '50 par Jean et son père.



Vue en amont.
À 500m en amont du moulin. Tout près du début du canal d'eau fait à la main et qui faisait fonctionner la turbine du moulin. Le ruisseau d'où le canal prend son eau est hors de l'image au fond à droite dans le pré. Son cours indiqué par la ligne des petits buissons sans feuilles.




Vue en amont.
Le canal longe le ruisseau en parallèle. Le ruisseau est hors de l'image, 20 m plus loin et à cet endroit 4m plus bas à droite.
Ce canal artificiel alimentait aussi le moulin à l'origine, avant l'arrivée du père de Jean. Jean estime qu'il a 200 ans.




Vue en amont.



Vue en amont.
La vanne est dans le réservoir au fond et le moulin dans le coin à gauche. Ici le ruisseau se trouve à 30m à gauche et est 6m plus bas que le niveau du réservoir lorsqu'il est plein.




Jean indique l'endroit où se trouve la canalisation souterraine en fer qui s'alimente à la vanne et rejoint la turbine au sous-sol du moulin. Une des fonctions du réservoir c'était de fournir la pression d'eau nécessaire qui, combinée à un plongeon de 6m, faisait fonctionner la turbine.



Le conduit d'accès sur le côté du moulin au fond où l'eau était convoyée par un canal souterrain et retournait au ruisseau après être passée par la turbine.

Le rez-de-chaussée:



“Pieds de Cochon”. Depuis 40 ans les pieds et chevilles d'un sanglier ont orné la porte au sous-sol du moulin.



L'arbre de transmission principal de la turbine dans le mur du fond du moulin. Un moteur électrique de l'autre côté du mur faisait fonctionner le moulin pendant les sécheresses.
On a retiré et vendu la turbine qui se trouvait à gauche de l'arbre de transmission.




Le conduit de fer juste a gauche de la turbine qui alimentait l'eau à la turbine.



Une photo en noir et blanc prise dans les années '50 montrant des employés de la famille qui regardent la turbine pendant qu'elle est en opération.



L'arbre de transmission secondaire le long du plafond au sous-sol. C'est celui qu'on voit en mouvement dans la photo précédente en noir et blanc. Ses roues étaient au début de la transmission à partir de laquelle tout le moulin opérait.

Le premier étage:



Les trois fraiseuses. L'installation mécanisée du moulin a été concue par un ingénieur italien Sance, de Rodez et les conduits de menuiserie construits sur mesure par le maître-charpentier allemand Ebeuvid.















Deux rouleaux de remplacement. Les rouleaux canelés tournaient dans des directions opposées et à des vitesses différentes.







Le 'séchoir' Lhuilier à travers lequel le grain passait avant d'être acheminé dans les fraiseuses. Cet appareil faisait tourner le grain dans un tambour où l'air était forcé et envoyait l'enveloppe et les autres contaminants dans un conduit dans le mur à l'extérieur du moulin.











La date à laquelle Jean et son père ont agrandi l'édifice.



Les courroies du convoyeur en toile transportaient le grain moulu à l'étage supérieur dans des conduits en bois.



Les conduits remontants en bois et les fenêtres d'inspection vitrées.

Le deuxième étage:



Deux tamis Teisset-Rose-Brault ou caissons à tamis. Chacun contient 60 tamis individuels en soie. La farine part d'en haut et traverse les tamis secoués jusqu'en bas.







Le contrepoids en plomb sur la centrifugeuse entre les deux caissons à tamis. Les deux caissons sont attachés au même chassis suspendu au plafond par des cables. Lorsque l'essieu tourne le poids fait vibrer le chassis et secoue la farine dans les tamis.



Les tamis en soie.







Ces brosses étaient attachées à un guide qui passait entre les deux sections de soie dans chacun des tamis et nettoyaient en continu les surfaces des tamis.







Les conduits qui d'alimentation qui allaient du premier étage jusqu'au dessus des caissons à tamis.



Les conduits extérieurs en-dessous des caissons à tamis et de retour au premier étage.



Les conduits intérieurs et extérieurs étaient reliés aux caissons en mouvement avec des sections de chaussons de canvas attachés aux conduits avec des anneaux de fil de fer.



Les chutes qui servent à remplir les sacs de farine.



L'aire de chargement où les deux camions du moulin devaient reculer. Les sacs de farine de 101kg descendaient par une chute en acier à partir du quai jusqu'au fond du camion.



La balance qui servait a peser les sacs de farine.



Les sacs de jute pour la farine pesaient 1 kg donc le poids réel des sacs de farine était de 101kg.



Le stencil qui servait à écrire le nom du moulin sur les sacs de farine à livrer.



Un sceau à main et insigne en acier pour agraffer les billets au coin des sacs de farine. Un billet blanc indiquait le blé et un rouge le seigle.



Liste des prix près de l'aire de chargement.

C'est avec ce dynamo que le moulin à eau pouvait servir la nuit les lumières électriques allumées, même si a l'époque les villages des alentours n'avaient pas l'électricité.

Apres avoir cessé ses activités de minoterie, Jean Talon a passé des années à habiller la pierre et élever la truite.
Retraité depuis longtemps, il va encore dans les bois pour cueillir des champignons et chasser des oiseaux et mammifères..

Marcus Flynn

2011